Wébinaire de l’ILAE International League against Epilepsy du 23/10/24 ( traduit de l’anglais) How to talk about Sudep ? Comment parler de la mort subite en épilepsie ?
L’information sur la mort subite est un sujet d’actualité dans la plupart des pays occidentaux, confrontés aux mêmes réticences du corps médical, mais les pays anglo-saxons ont un peu d’avance, et considèrent que les patients doivent être éduqués à la gestion de ce risque sur le long terme, comme aux autres risques liés à l’épilepsie.
Une bonne communication avec les siens est préconisée pour minimiser les risques de décès par MS, d’après le témoignage d’une jeune femme nouvellement diagnostiquée.
Traduction du webinaire de l’ILAE : “How to talk about sudep ?” https://www.youtube.com/watch?v=oW8zfLrFk9Q
Bonjour à tous et bienvenue au webinaire de cet après-midi sur comment aborder le sujet de la mort subite en épilepsie avec les patients.
Je suis le Dr Sandy DEWAR et j’animerai la session d’aujourd’hui. J’ai travaillé comme infirmière en pratique avancée dans le domaine de l’épilepsie pendant de nombreuses années et j’occupe actuellement un poste de professeur au département de neurologie de l’école de médecine de l’université Virginia Commonwealth aux États-Unis.
Tout d’abord, je souhaite chaleureusement la bienvenue à tous les participants du monde entier et, pour tenir compte du décalage horaire, je vous rappelle que le public sera mis en sourdine pendant la présentation, mais qu’il y aura ensuite du temps pour la discussion. Veuillez utiliser la fonction Q&R pour envoyer vos questions et commentaires. Très important, les informations sur l’adhésion et une évaluation seront affichées à la fin du webinaire. Nous souhaitons la bienvenue aux nouveaux membres et nous aimerions avoir vos commentaires sur la feuille d’évaluation qui ne prendra que quelques minutes, alors restez assez longtemps pour la remplir. Nous remercions tout particulièrement nos orateurs qui nous ont prévu de formidables exposés aujourd’hui et surtout l’équipe qui a aidé à mettre en place ce webinaire, qui se concentre aujourd’hui sur la façon de parler d’un sujet très sensible, la mort subite inattendue dans l’épilepsie ; Nous ne parlerons pas des mécanismes du Sudep mais nous nous concentrerons plutôt sur les différents points de vue sur quand et comment présenter l’information sur la mort subite en épilepsie et les risques de mort subite en épilepsie ; nous parlerons un peu de la façon dont les gens font face au Sudep et nous demanderons à notre audience de réfléchir à la façon de surmonter les barrières rencontrées pour aborder le sujet de la mort subite avec leurs patients dans leur propre pratique . Et, pour rappel, aux wébinaires organisés par la section infirmière de l’ILAE est associée une plate-forme qui vise à promouvoir notre travail en tant qu’infirmières, à partager nos idées et à apprendre les uns des autres. Je serai donc brève dans la présentation de nos intervenants, et cela signifie également que les introductions ne rendent pas vraiment justice aux nombreuses réalisations de nos intervenants d’aujourd’hui et je les remercie à nouveau d’avoir si généreusement accepté de parler d’un sujet aussi sensible.
Edana PERRY est notre première intervenante. Elle est la mère d’une jeune femme nommée Kayla qui a malheureusement perdu la vie par mort subite en 2017. Kayla était sa plus jeune enfant. En plus d’être une mère de famille et une grand-mère, elle est ministre de l’Evangile, poète et auteur. Deux ans après la mort de Kayla, Edana et son mari ont créé la Kayla Ross Perry Memorial Foundation afin de sensibiliser le public à l’épilepsie et plus particulièrement à la Sudep. Edana et son mari Bernard vivent aux Etats-Unis, juste à côté de Washington DC.
Yasmin HIBBENS parlera en tant que personne atteinte d’épilepsie ; elle vit actuellement (…) dans l’Etat rural de Victoria en Australie, avec son mari et ses trois enfants âgés de 9 à 11 ans ; elle a malheureusement subi un traumatisme crânien il y a environ 10 ans, et on lui a récemment diagnostiqué une épilepsie ; elle nous parlera un peu de ce qu’a été d’être informée de l’existence de la Sudep.
Sammy ASHBY est directrice générale d’une organisation caritative appelée Sudep Action. Elle a travaillé sur la formation clinique, la recherche et les campagnes politiques pour la prévention des décès dus à l’épilepsie ; elle a également aidé à développer un outil d’évaluation des risques disponible gratuitement pour les professionnels de santé et les personnes atteintes d’épilepsie, dont l’objectif est d’améliorer la communication sur la façon dont les risques sont compris et gérés.
Notre dernier orateur est une clinicienne qui présentera un exposé intitulé « Talk to me : patient care partner perspectives on Sudep disclosure » (« Parlez-m’en » : Points de vue du patient et de ses proches sur l’information à propos du Sudep).
Lucretia LONG est une infirmière praticienne expérimentée dans le domaine de l’épilepsie qui consacre la majeure partie de son temps aux soins ambulatoires en épilepsie. Elle est impliquée dans la recherche clinique et s’intéresse à un large éventail de sujets, notamment l’utilisation et le développement de plans d’action contre les crises d’épilepsie, le Sudep et les meilleures approches pour l’éducation des patients et des familles. Elle est professeur agrégé de neurologie à la faculté de médecine du centre médical de l’université d’État de l’Ohio, aux États-Unis.
Témoignage d’un parent endeuillé
Edana PERRY :
Bonjour, je m’appelle Edana Perry et je tiens tout d’abord à remercier Nancy et la Ligue internationale contre l’épilepsie de nous donner l’occasion de partager notre histoire. Mon mari Bernard et moi avons eu la chance d’avoir trois enfants, Taylor, Christian et Kayla. Notre cadette Kayla a été atteinte d’épilepsie à l’âge de 11 ans, en 2002. On lui a diagnostiqué une épilepsie myoclonique juvénile : ses crises commençaient par des tremblements des bras et des jambes, puis se transformaient en crises grand-mal ; ses crises étaient déclenchées par le manque de sommeil.
En tant que croyants, nous pensions qu’elle finirait par guérir, et en attendant nous tenions à ce que Kayla ait une vie aussi normale que possible. C’était parfois un défi pour Kayla de se reposer suffisamment tout en ayant une vie sociale.
Elle aimait cuisiner, faire du mannequinat, jouer au football, danser, participer à la chorale des jeunes et était un membre actif d’une chorale gospel communautaire. Son médicament, ( depicode ?), lui a été prescrit pour minimiser les crises, car il n’était pas réaliste de dormir plus de 12 heures. En 2016, elle a obtenu son BTS et en mars 2017, elle a décroché son premier emploi à temps plein, et la famille était enthousiaste et fière d’elle.
Quelques mois plus tard, le jeudi 6 juillet, jour de notre anniversaire de mariage, Kayla est rentrée plus tôt du travail car elle avait des tremblements et avait besoin de se reposer. Mon mari est rentré à la maison pour s’occuper d’elle, puis il est parti me chercher pour aller dîner. Nous sommes rentrés vers 22 heures et avons trouvé Kayla allongée le visage contre son oreiller, ce qui n’était pas sa position de sommeil habituelle. J’ai appelé son nom plusieurs fois, elle ne répondait pas, j’ai couru pour la toucher, elle était encore chaude mais je ne pouvais pas la bouger. J’ai appelé mon mari pour qu’il monte à l’étage : nous l’avons retournée, nous avons pratiqué une réanimation cardio-pulmonaire et nous avons appelé les secours. Je me souviens d’avoir entendu ces mots avec incrédulité, j’avais l’impression de vivre une expérience extracorporelle : « pas ma fille ! pas ma fille ! » mais oui, elle était décédée et nous n’avions aucune idée de la raison de son décès. Rien ni personne n’aurait pu nous préparer à cette tragédie inattendue. Pendant les mois et les jours qui ont suivi la transition de Kayla, mon mari et moi étions déterminés à trouver des réponses sur le comment et le pourquoi, mais ce n’est que lorsque nous avons fait des recherches sur le site Web de la Fondation de l’épilepsie et que nous avons vu le terme Sudep que nous avons appris que Kayla était décédée du sudep. Elle a eu une crise dans son sommeil et est morte. Pourquoi aucun de ses soignants n’avait parlé du Sudep ? En tant que personnes de foi, nous croyons également que lorsque c’est votre heure, c’est votre heure, donc les familles de patients épileptiques vivent chaque jour avec l’idée que leur proche peut avoir une crise, tomber et mourir. Nous vivons avec cette réalité chaque jour. Nous vivons également dans une société où nous sommes exposés à toutes sortes de risques, tels que le risque de faire un tour de manège, le risque de conduire en état d’ébriété, le risque associé au fait de fumer.
Une partie du rôle des parents est d’assurer la sécurité de leurs enfants : Quand nous connaissons les dangers, nous faisons de notre mieux pour minimiser les risques pour nos enfants, quels qu’ils soient. Et pourtant, les patients et les familles ne sont pas informés des risques associés à la MSIE par les ceux-là mêmes vers lesquels ils se tournent pour obtenir des informations - vous me demandez ce que j’aurais aimé qu’on me dise - il y a quatre choses :
1/ la mort subite est une véritable possibilité pour les patients avec épilepsie
2/ deuxièmement, l’un des facteurs de risque associés au Sudep est la présence de crises tonico-cloniques ou de crises Grand mal.
3/ Troisièmement, les personnes souffrant de crises nocturnes peuvent être à risque.
4/ les personnes qui ne prennent pas leurs médicaments régulièrement peuvent être à risque.
Vous m’avez demandé quand j’aurais voulu qu’on me le dise ? et je dirais à peu près autour de la deuxième visite. Lors de nos rendez-vous annuels. les équipes médicales ont eu au moins 15 fois l’occasion d’aborder le sujet entre 2002 et 2017, de nous mettre une brochure dans les mains ou même de nous orienter vers la Fondation pour l’épilepsie, mais nous n’avons pas eu cette opportunité. En 2019, mon mari et moi avons décidé de transformer notre deuil en mission et avons fondé la Kayla Ross Perry Memorial Foundation dont la mission est de sensibiliser à l’épilepsie et au Sudep, d’offrir des bourses et de parrainer des événements d’arts créatifs pour la communauté. Je suis ici aujourd’hui pour aider de toutes les manières possibles à motiver les prestataires de soins de santé et les familles à se donner les moyens de poser la question et d’engager la conversation sur le Sudep. Ma foi me donne la force d’être pour toujours Kayla forte
Témoignage d’une patiente informée du risque de mort subite
[00:10:59]
Yasmin Hibbins
Question : qui vous a parlé de la MSE pour la première fois ?
C’est l’infirmière spécialisée dans l’épilepsie qui m’en a parlé
Question : Comment vous en a-t-on parlé ?
Elle m’a demandé si j’en avais entendu parler et j’ai bien sûr répondu non, puis elle m’a dit que … elle a expliqué un peu plus en détail et bien sûr, vous vous dites : « Mais qu’est-ce que c’est que ce truc-là ? c’est une chose, mais ça me surprend pas, en fait ça ne me surprend vraiment pas, mais c’est mon Dieu, ok, donc ouais, et elle est entrée un peu plus dans les détails, et on est parti de là, elle a parlé de Sudep, de s’assurer que l’on communique correctement avec sa famille quand on ne se sent pas bien, et des choses comme ça, et elle a dit que c’était une bonne chose, et qu’il y avait une bonne raison de le faire. L’infirmière spécialisée dans l’épilepsie m’a parlé des aspects de sécurité et des choses que je pouvais faire pour gérer cela et vous savez, même des choses simples comme, comme je l’ai dit plus tôt, une communication ouverte, une meilleure communication avec ma famille quand je ne me sens pas bien, pour éviter, pour éviter de tels risques.
Question : En avez-vous parlé avec vos proches ?
Je n’ai pas eu cette conversation avec mon mari ou les autres membres de ma famille parce que ce n’est pas un sujet léger et que mon diagnostic d’épilepsie est encore assez nouveau pour nous, et c’est quelque chose auquel nous essayons encore de nous adapter, alors je ne veux pas aborder tout ça en même temps.
Je ne veux pas en faire un problème d’importance majeure, les faire s’asseoir et leur dire qu’il faut qu’on parle parce que ce n’est pas un diagnostic de cancer, je ne veux pas le traiter comme un diagnostic de cancer, je veux juste dire que ce n’est pas léger, ce n’est pas le bon mot. Je veux juste m’assurer qu’ils ont conscience du fait que c’est quelque chose qui peut arriver, les gens peuvent .. () ; et quand j’ai parcouru la check-liste du Sudep, il y avait beaucoup de suggestions de mesures de sécurité que nous pouvions prendre en compte. et il y a des choses que l’on peut mettre en place, c’est sûr, et j’ai l’intention d’aborder tout cela avec mes proches quand le moment sera venu de leur parler de cet aspect (de cette maladie).
Question : Pensez-vous que toute personne souffrant d’épilepsie doit être informée du risque de MSIE ?
Oh, je pense vraiment que toutes les personnes qui reçoivent un diagnostic d’épilepsie devraient en entendre parler mais je pense qu’avec les nombreux problèmes de santé qui se posent, ce n’est pas la chose la plus importante dont ils ont besoin d’entendre parler à ce moment-là, mais plutôt d’entendre que dans le pire des cas, c’est quelque chose qui peut arriver mais ensuite, évidemment, il faut les rassurer avec des statistiques à ce sujet, si vous avez un peu plus d’informations à ce sujet, mais je pense vraiment qu’ils ont besoin d’en entendre parler.
SUDEP ACTION : L’INFORMATION SUR LA MORT SUBITE AU ROYAUME-UNI
Sammy ASHBY
[00:14:13]
Bonjour à tous, je suis Sammy ASHBY ; Je suis la directrice générale de Sudep Action et je suis très heureuse de pouvoir enregistrer cette vidéo pour vous aujourd’hui et aussi de vous rejoindre un peu plus tard dans la session d’aujourd’hui. La majorité des personnes endeuillées qui découvrent notre association Action Sudep n’étaient pas au courant de la mort subite, ni que l’épilepsie pouvait être fatale avant que leur proche ne meure. Et c’est absolument dévastateur pour eux et je suis sûre que vous entendrez cela à maintes reprises ce soir. Cela conduit à des séries de « et si ? », cela mène à de la colère et souvent à un chagrin très compliqué tout au long de la vie qui en résulte. Tout cela pourrait être évité si ces conversations avaient lieu. Nous savons que la majorité des décès dus à l’épilepsie peuvent être évités. Des recherches récentes menées en Écosse sur la population écossaise de personnes atteintes d’épilepsie qui sont décédées suggèrent que jusqu’à 80 % de ces décès auraient pu être évités, donc il y a donc une réelle opportunité pour la communauté de s’unir et d’essayer d’abaisser ce niveau. Il ne devrait y avoir aucune raison pour que les décès évitables en épilepsie ne puissent être évités. Et ce d’autant plus que la recherche est très claire depuis un certain nombre d’années sur les facteurs de risque connus liés aux décès prématurés dus à l’épilepsie. Partager ces informations aux patients et à leurs familles en mettant en avant ce qui peut être fait pour les réduire, réduire les dommages qui pourraient s’ensuivre, cela peut vraiment aider à améliorer les choses, et cela ne va pas seulement aider le patient et sa famille à se responsabiliser1, afin qu’ils puissent dire : je peux partir, je peux faire ceci, je peux mieux prendre mes médicaments, je peux mieux dormir la nuit et je peux améliorer mes habitudes, mais cela peut aussi vraiment les aider à faire des choix éclairés concernant leurs soins, leur traitement et leur mode de vie. La plupart des familles qui nous consultent auraient ardemment2 souhaité qu’on leur ait communiqué ces informations afin qu’elles puissent faire tout ce qui était en leur pouvoir pour améliorer la sécurité de leur proche aimé , bien qu’elles soient conscientes que cela n’aurait peut-être pas changé l’issue fatale pour l’être aimé. Mais elles ont été privées de cette chance d’essayer de faire quelque chose, et elles vivent avec cela jour après jour. Et c’est vraiment la principale chose que les personnes qui viennent à Sudep Action veulent voir dans notre travail, ils veulent s’assurer que ce qui leur est arrivé n’arrivera pas à d’autres personnes ; il n’y a pas que les personnes endeuillées qui disent cela, en fait beaucoup de personnes atteintes d’épilepsie avec qui nous travaillons et avons travaillé au fil des ans nous disent qu’elles veulent qu’on leur donne ces informations, qu’elles veulent les avoir très tôt et qu’elles veulent que leurs professionnels de santé soient francs avec elles parce qu’elles peuvent alors avoir une relation vraiment honnête, ouverte et confiante, car si elles savent que leur professionnel de la santé est honnête avec elles, elles peuvent donc être honnêtes avec lui, et elles veulent connaître ces informations très tôt dans leur parcours d’épilepsie. Une jeune personne épileptique qui nous a aidés dans notre travail a dit qu’on n’en avait jamais vraiment parlé, alors elle a fait ses propres recherches pour comprendre. Ce qui signifie que lorsque vous en parlez à un professionnel de la santé, il ne vous prend pas très au sérieux et cela résume vraiment, je pense, certains des problèmes auxquels les personnes épileptiques sont confrontées si elles n’obtiennent pas l’information d’une source de confiance comme un professeur en santé : elles iront voir le Dr Google, elles iront en ligne et Dieu sait ce qu’elles vont y trouver.
Nous avons donc un rôle important à jouer pour donner aux gens les bonnes informations afin qu’ils puissent prendre les bonnes mesures et ils veulent aussi être vraiment pris au sérieux, ils veulent être un partenaire à part entière3 dans leurs soins. Nous savons également, grâce à notre registre des décès dus à l’épilepsie, que plus de 10 % des personnes qui meurent avant le diagnostic ainsi qu’un certain nombre d’autres patients ne se sont pas rendus à leur deuxième rendez-vous médical : donc il n’y a pas de temps à perdre pour entamer ces conversations sur les risques vitaux et, comme me l’a dit l’un de nos soutiens endeuillés, ils auraient préféré bien plus s’inquiéter de cette information, d’entendre le mot Sudep pour la première fois, plutôt que d’avoir à affronter la vie pour toujours sans l’être aimé. Nous avons interrogé les professionnels de la santé sur les obstacles qu’ils rencontraient lors de ces conversations lorsque nous avons créé l’une de nos checks-lists. La principale chose qui est ressortie de nos discussions était qu’ils s’inquiétaient de la réaction des patients, il y a aussi des contraintes de temps qui rendaient les choses très difficiles et de la préoccupation de ne pas savoir quoi dire lors de ces conversations ;
check-liste de sécurité « Sudep and Seizure & Application EpsMon
c’est pourquoi nous avons créé notre check-liste de sécurité « Sudep and Seizure et MSE »4 ; il y en a une pour les adultes et une autre pour la population pédiatrique. Cet outil offre une structure qui aide tout professionnel de santé et regroupe les informations clés sur les risques pour les patients lors de leurs rendez-vous ; il est étayé par les dernières données de la recherche et fournit des questions rapides pour toute personne qui n’est pas très confiante pour entamer ces conversations avec ses patients ; il aide également à centrer la discussion sur les risques auxquels le patient peut être confronté à ce moment précis et donne la latitude de de l’espace pour décider de ce qui peut être fait à ce sujet ; il s’agit de la question « que pouvons-nous faire à partir de ce rendez-vous pour vraiment réduire ces niveaux de risque avant la prochaine consultation ? » ;
[00:19:10]
Cet outil contient également de nombreuses balises et fléchages utiles pour le professionnel de la santé et le patient ; nous savons, grâce à notre application EpsMon, qu’il faut au moins trois utilisations de l’application par le patient pour que la prise de conscience de certains risques passe de « non » à « oui, je n’étais pas au courant », puis à « je suis au courant », ce qui signifie qu’il faut revenir à ces conversations de nombreuses fois, ce qui est particulièrement important car nous savons que le risque fluctue également dans le temps : il augmente et il diminue selon les personnes, il faut donc revenir régulièrement pour s’assurer que les choses ne vont pas de travers.
Merci d’avoir écouté et faites tout ce que vous pouvez pour essayer d’avoir ces conversations vitales sur les risques avec les personnes épileptiques car, vraiment, savoir signifie pouvoir, et cela peut vraiment sauver des vies.
INFORMATION SUR LA SUDEP : POSITIONS DES PATIENTS ET DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ
[00:19:58]
Lucretia LONG :
Sammy, Edena et Jasmine, merci beaucoup d’avoir partagé vos histoires personnelles sur ce sujet très important. Je vais passer les 20 prochaines minutes à approfondir les points de vue des patients et des partenaires de soins sur la question de l’information sur la mort subite en épilepsie. Je vais donner un bref aperçu historique, aborder certains des obstacles perçus, parler des lignes directrices pratiques et enfin donner un aperçu des ressources qui, je l’espère, vous aideront en clinique.
Définition de la mort subite, statistiques
En 1904, Spratling a décrit l’épilepsie comme une maladie qui détruit la vie soudainement, sans avertissement, par une seule attaque brève. Le terme SUDEP a été inventé en 1997 et se définit comme la mort soudaine et inattendue d’une personne épileptique par ailleurs en bonne santé, dans les cas où aucune autre cause de décès n’a été trouvée lors de l’autopsie. C’est la cause principale de décès pour les personnes qui ont une épilepsie pharmaco-résistante. Quand vous comparez cette cause à d’autres facteurs neurologiques, c’est en fait la seconde cause principale de décès après les AVC. L’incidence de la SUDEP est d’environ un patient sur 150 par an (en particulier) chez les personnes souffrant d’épilepsie pharmaco-résistante et, en un an, la SUDEP touche un adulte avec épilepsie sur mille. Nous pensions à l’origine que, sur un an, la SUDEP touchait environ 1 enfant sur 4 500, mais des estimations récentes ont montré que l’incidence de la SUDEP est similaire chez les adultes et les enfants, avec encore une fois, environ un millier de décès par an.
Si on regarde les facteurs de risque, nous savons que les crises tonico-cloniques généralisées ne sont pas seulement associées à la MSIE, mais nous pensons que les convulsions sont en fait le chemin causal de la MSIE, ce qui est vraiment intéressant : Avoir trois crises ou plus dans un intervalle de 12 mois multiplie par 15 le risque de mort subite inattendue et bien que beaucoup d’entre nous pensent qu’avoir trois crises par an est une épilepsie bien contrôlée, ce que nous voyons dans les directives est que cela augmente le risque par 15 quand on a fait 3 crises sur une période de 12 mois. Nous savons également que la position allongée sur le ventre, l’épilepsie pharmaco-résistante, la non-observance du traitement et le manque de surveillance nocturne sont tous corrélés à la mort subite inattendue, ce qui donne l’occasion de réduire les risques en conseillant les patients et leurs proches sur ce que nous pouvons faire ensemble afin de modifier les facteurs de risque. L’Académie américaine de neurologie, l’Association internationale de neurologie infantile, la Société américaine d’épilepsie, nos collègues écossais ainsi que ceux du Royaume-Uni préconisent tous d’informer sur la SUDEP. Ainsi, si nos autorités de tutelle recommandent d’éduquer les patients sur la réduction des risques de SUDEP, pourquoi nous, en tant que prestataires de soins de santé, n’en parlons-nous pas ? Si l’on examine la littérature, on constate qu’en 2006, une publication faisant suite aux bonnes directives suggérait que seuls 5 % des neurologues discutaient de la SUDEP avec tous les patients atteints d’épilepsie ; une étude similaire réalisée en 2010 par nos collègues italiens suggérait que seuls 8,7% des spécialistes de l’épilepsie discutent de la SUDEP avec tous leurs patients. Dans une autre étude de 2010, 50% des neurologues disaient penser que la mort subite inattendue ne devait être discutée que chez les patients ayant des crises difficiles à contrôler. Ils ont également suggéré que cette information devait être discutée avec certaines familles, en particulier celles de patients qui ont une épilepsie pharmaco-résistante, des crises nocturnes, une épilepsie symptomatique ou des candidats à la chirurgie. C’est un problèmei parce que cela suggère vraiment qu’il y a une approche paternaliste dans la manière de déterminer quels patients méritent d’être informés. Il est intéressant de noter que, dans cette même cohorte, 91% des parents estimaient qu’il était de la responsabilité des médecins de parler de la SUDEP et qu’ils voulaient en fait être informés des moyens de réduire les risques. Il y a donc un décalage entre ce que les patients estiment devoir5 savoir et ce que les médecins et les prestataires de soins de santé jugent nécessaire de révéler sur la SUDEP.
Une étude menée aux États-Unis auprès de 43 professionnels de santé s’est également penchée sur les points de vue sur l’information à apporter en matière de SUDEP, encore par les médecins et infirmières et il est intéressant de noter que certaines des raisons de ne pas parler de la SUDEP étaient l’idée qu’il était moralement répréhensible de donner aux patients des informations sur une complication qui est mal comprise et difficile à prévenir ; et que les médecins estimaient que s’il n’y avait pas d’autres options pour les patients, les informer de la SUDEP n’était pas utile.
Je suis heureuse de constater que, dans cette étude, les prestataires médicaux de pratique avancée ou les praticiens infirmiers estimaient en fait que c’était une responsabilité morale de discuter de la SUDEP avec les patients, qu’ils estimaient que les patients et leurs proches avaient le droit de savoir et qu’ils voulaient s’assurer que les patients recevaient des informations exactes.
[00:20:32]
Donc c’est vraiment intéressant quand on pense au décalage qui existe entre les médecins et les patients, et à l’intérêt du personnel infirmier pour une information sur la sudep des patients et de leurs proches.
Une autre étude réalisée en 2014 suggère que seulement 7 % ou 6,8 % des neurologues discutent de la MSIE quasi systématiquement et qu’il est plus probable qu’ils en parlent si le médecin a eu un patient qui est décédé de la MSIE dans les deux ans précédant l’enquête ; et, encore une fois, nous voyons ici un modèle de perceptions erronées ; il est moins probable qu’ils en discutent si le médecin estime que le patient est à faible risque.
Maintenant, l’American Academy of Neurology vient de nous apprendre qu’il existe certains facteurs de risque que nous pouvons modifier et qui, encore, peuvent réduire le risque. Une autre étude menée en Australie, en Allemagne et en Suisse a obtenu en 2016 des résultats similaires. En 2020, une étude nord-américaine a suggéré que seulement 12 % des neurologues discutent de la SUDEP avec tous leurs patients. C’est intéressant : voici une étude mondiale portant sur plus de 27 pays et plus d’un millier de neurologues qui a examiné des revues systématiques et a également comporté une enquête demandant à ces neurologues et épileptologues s’ils pensaient que tous les patients atteints d’épilepsie devraient être informés sur la SUDEP. Ce qu’ils ont trouvé, c’est que seulement 12% des épileptologues et des neurologues discutent de la SUDEP avec la plupart de leurs patients (soit entre 50 et 90 % de leurs patients). Les sondés estimaient que certains patients épileptiques devaient être informés sur la SUDEP, encore une fois pas tous les patients, mais seulement certains patients et typiquement dans cette enquête, la perception était que seuls les patients ayant une mauvaise observance du traitement et une épilepsie pharmaco-résistante devaient être informés sur la SUDEP. Ils ont également cité le risque de ne pas discuter ou la raison de ne pas discuter de la SUDEP était l’idée de susciter une peur inutile ; nous en parlerons un peu plus tard quand nous aborderons les différences globales que nous avons vues.
En Afrique, environ 18 % des neurologues pensent que tous les patients devraient être informés de la mort subite inattendue. Au Moyen-Orient, en Asie et en Europe, 26 à 30 % des neurologues pensent que tous les patients devraient être informés de la mort subite inattendue. En Amérique du Nord et en Amérique du Sud, respectivement 62 et 50 % estimaient que tous les patients épileptiques devraient être informés de la SUDEP.
Lorsque vous examinez certaines des différences, il apparaît que ce sont (..) des différences en termes de ressources, d’éducation, de cadre juridique et d’éthique qui ont conduit aux disparités mondiales ou aux différences dans l’approche de l’information sur la SUDEP. Lorsque vous examinez ce que disent les patients et leurs proches, ou ce que nous avons gentiment entendu de nos participants qui ont fait part tout à l’heure de leur expérience personnelle avec la SUDEP est que la grande majorité des patients et de leurs proches veulent être informés de la SUDEP et qu’ils n’ont pas d’anxiété à long terme après en avoir discuté lorsque la SUDEP est discutée. Sur ce sujet, la littérature suggère que l’anxiété associée à l’information sur la MSIE s’estompe après environ 3 mois. Nous savons également d’après la littérature qu’entre 80 et 100 % des patients et de leurs proches veulent non seulement être informés sur la MSIE, mais qu’ils estiment que c’est leur droit d’être informés et vous voyez les références ici.
[00:30:30]
Cette information a en fait été soutenue par une étude que nous avons réalisée dans l’État de l’Ohio, où nous avons examiné le point de vue des patients et de leurs proches sur l’information sur la MSIE. Bien que 30 % des patients de notre étude aient admis que l’information sur la MSIE les avait effrayés, 100 % d’entre eux ont déclaré qu’ils avaient le droit d’être informés. Ceci indépendamment de l’âge, de la durée de l’épilepsie et des facteurs psychosociaux. Ainsi, 100% des patients et des partenaires de soins de notre étude ont estimé qu’ils avaient le droit d’être informés sur la SUDEP et que, en tant que prestataire de soins, il était de (notre) devoir d’apporter cette information.
Nous avons également voulu savoir à quel moment les patients devraient être informés de la SUDEP. Dans une étude (..), environ 90 % des patients ont indiqué qu’ils voulaient être informés de la SUDEP peu après le diagnostic ou lors du rendez-vous initial, soit au début du rendez-vous en ce qui concerne le diagnostic ou peu après que le patient ait été diagnostiqué, ce qui est assez cohérent avec d’autres études.
Il s’agit d’un résumé d’une publication de 2023, dans laquelle nous voulions savoir comment les patients et leurs proches étaient conseillés, et ce que nous avons découvert, c’est que la discussion sur la SUDEP au moment du diagnostic ou peu après était considérée comme très importante par les patients et leurs proches. Ils préfèrent que la discussion soit entamée par les neurologues traitants en face à face, et que ceux-ci fournissent également des informations écrites, et il était vraiment important de permettre un suivi supplémentaire en terme d’information sur la SUDEP. Les soignants voulaient décider si et quand un enfant devait être informé du risque de MSIE, ce qui est vraiment intéressant. J’ai vraiment hâte de discuter après cette présentation, en particulier pour ceux d’entre vous qui travaillent dans le domaine pédiatrique, votre perception du moment et de l’opportunité d’informer un enfant sur la réduction des risques.
Encore une fois, ce qui est vraiment important, c’est l’idée de diversifier l’information et la façon dont elle est reçue, donc l’information écrite en face à face et la répétition des discussions sont vraiment des implications cliniques utiles pour vos patients et leurs proches qui veulent maintenant avoir des lignes directrices pratiques sur la façon dont vous, en tant que professionnel de santé, pouvez discuter avec les patients.
Je suis partisane de discuter de la SUDEP avec chaque patient, y compris si le patient est stable, se conforme aux règles et ne fait plus de crises. Dans ce cas, mon approche habituelle est de parler de la SUDEP quand on aborde l’importance d’une bonne observance du traitement, et je suis sûr que tout le monde parmi l’auditoire parle de l’importance de s’assurer que le patient prend bien ses médicaments comme prescrit, donc encore une fois vous pouvez parler de la SUDEP quand vous parlez de la régularité de l’observance . Je dirais par exemple « C’est du bon travail, à continuer, sauter une prise de ton médicament peut entrainer une crise et cela peut être dangereux, et augmente le risque de ce qu’on appelle le « Sudep », puis je continuerais en expliquant que « Sudep signifie… et je parlerais des facteurs de risque.
Dans le cas d’un patient qui est stable mais non observant, ou bien stable ou observant mais pas encore libre de toute crise, mon approche typique sera : « avez-vous déjà entendu parler du sudep ? ». Je parle souvent de Cameron Boyce, beaucoup d’entre vous connaissent sans doute Cameron Boyce, un formidable acteur de Disney ici aux États-Unis ( [1]) . Il a eu, je crois, six crises d’épilepsie (seulement) au cours de sa vie. Il ne s’agissait donc pas d’un patient souffrant d’un de nos syndromes épileptiques difficiles à contrôler (LD LGS). Cameron Boyce est décédé d’une mort subite et inattendue. Donc j’évoquerais Cameron Boyce et je dirais que Sudep veut dire ...sudden… , cela arrive à un patient adulte sur mille, je parlerai des facteurs de risque (..) déjà mentionnés : les patients dont les crises ne sont pas contrôlées, ceux qui ont des crises nocturnes, en particulier des crises convulsives, qui ne sont pas surveillés la nuit ; ne pas prendre votre traitement peut augmenter le risque, mais vous pouvez aussi continuer à réduire votre risque en … « et nous continuerons à parler des moyens de diminuer les facteurs de risque. Je dis aussi très fréquemment aux patients que mon but en leur donnant cette information n’est pas de « les effrayer mais de les éduquer ». Les patients et leurs proches ne peuvent pas réduire le risque de quelque chose qu’ils ne connaissent pas et c’est notre travail en tant que prestataires de soins de santé de leur fournir des informations afin qu’ils puissent prendre une décision éclairée, de les responsabiliser en terme de modification des facteurs de risque.
Pour les patients qui souffrent d’anxiété comorbide, je dis généralement : « J’aimerais vous donner des informations sur la façon de réduire votre risque de crises convulsives, de crises d’épilepsie mettant votre vie en danger, et de réduire votre risque de ce que l’on appelle une SUDEP. « SUDEP signifie ... », et nous reprendrons cette conversation... « Mon but n’est pas de vous rendre anxieux mais de vous éduquer » ; (il est) vraiment important de permettre aux patients et à leurs proches de comprendre qu’ils ne peuvent pas prévenir quelque chose qu’ils ne connaissent pas et, encore une fois, notre travail en tant que prestataires de soins est de fournir cette information.
Je parle aussi souvent de collaborer et de travailler ensemble, avec ce patient et ses proches, pour réduire le risque.
Donc cibler zéro crise, une surveillance nocturne, et fournir des informations pour établir un plan d’action en cas de crise aigüe, tout cela sont des choses qui ne concernent pas seulement les patients souffrant d’anxiété comorbide, mais dont vous pouvez parler à tous vos patients en terme de modification du risque..
[00:36:33]
Pour les patients souffrant de crises nocturnes non contrôlées, nous avons à nouveau une discussion similaire : « mon travail consiste à vous fournir des informations pour réduire votre risque - nous parlerons également d’une liste de différentes options » et il est important que vous fournissiez à vos patients et à leurs proches des informations sur la réduction des crises, donc des informations sur la chirurgie de l’épilepsie et la neuro-modulation.
Lorsque j’ai commencé à travailler dans le domaine de l’épilepsie, il n’existait que six médicaments contre les crises6. Dans certains pays comme les États-Unis, nous en avons plus de 30. Il est certain que ceux d’entre vous qui vivent dans d’autres pays n’ont peut-être pas le même nombre de médicaments antiépileptiques, mais ils disposent de ressources différentes. Il faut donc s’assurer que vous fournissez à ces patients une liste des différentes options pour réduire les crises et leur parler des dispositifs nocturnes s’ils sont disponibles dans votre pays : un moniteur pour bébé, des montres intelligentes, l’Embrace, l’EMFIT, encore une fois tout ce que vous avez pour encourager ces patients et les partenaires de soins à s’assurer que les crises nocturnes sont identifiées, est vraiment vraiment important. Je voudrais passer rapidement en revue quelques ressources pratiques : Sudep Action est une organisation caritative britannique qui se concentre sur la réduction de la morbidité et de la mortalité et est vraiment une ressource très utile.
[00:38:07]
Aux Etats-Unis, nous avons l’Epilepsy Alliance, l’Epilepsy Foundation of America epilepsy.com. D’ailleurs, pour ceux qui se trouvent dans d’autres pays, vous pouvez accéder à epilepsy.com si vous avez accès à Internet, vous avez accès à ces ressources de la Fondation de neurologie infantile. Nous avons fait référence aux lignes directrices de l’Académie Américaine de Neurologie et à SUDEP Aware, une fantastique organisation en termes de ressources SUDEP : voici une copie du document que j’utilise pour mon étude de recherche sur le SUDEP ; il est rédigé à un niveau de lecture de cinquième année et c’est en fait un document qui a été créé, je crois, en collaboration avec SUDEP Aware et la Fondation américaine d’épilepsie. Vous pouvez le trouver en ligne sur l’application SUDEP Aware, et c’est ma collègue Nancy qui nous l’a fourni. Il s’agit d’une ressource qui examine les facteurs de risque. Il y en a une autre qui est un peu plus courte, SUDEP 7, qui est encore une fois un aperçu révisé des facteurs de risque et qui vous donne l’occasion de calculer le facteur de risque de votre patient. Encore une fois, je crois qu’il est important de parler de la mort subite à chaque patient, quelle que soit la perception de son facteur de risque. Nous avons déjà parlé du fait que trois crises augmentent le risque de SUDEP de 15 fois. La discussion doit avoir lieu à un moment qui dépend de l’état de préparation du patient. Nos patients nous ont cependant appris qu’ils veulent en savoir plus sur la MSIE dès le début et que cette information doit être répétée aussi souvent que possible ; essayez de rester simple - parlez de la MSIE lorsque vous parlez de l’importance de l’observance du traitement et rappelez également aux patients que votre rôle est de les responsabiliser7 afin qu’ils puissent mettre en œuvre la réduction des facteurs de risque. Non seulement les patients veulent être informés, mais c’est aussi leur droit de savoir.
Je conclurai cette discussion en demandant à ceux d’entre vous qui sont des professionnels de la santé si vous ou votre proche aviez la possibilité de connaitre des moyens pour réduire le risque de mort subite, voudriez-vous le savoir ? et si la réponse est oui, alors nous le devons à nos patients et à leurs partenaires de soins.
Sandra DEWAR :
Merci, merci pour ces formidables présentations.
Nous invitons maintenant notre panel à revenir et à ouvrir la séance de questions et réponses sur la SUDEP. Je pense que si vous travaillez dans le domaine de l’épilepsie depuis assez longtemps, tous les professionnels ont eu malheureusement l’expérience de perdre un patient par SUDEP, c’est donc un sujet vraiment très important dans notre pratique quotidienne. Il y a quelques questions très intéressantes dans le tchat et nous allons en aborder deux qui, je pense, sont liées et qui peuvent s’adresser à vous Lucretia, mais tout le monde peut intervenir.
La première question était la suivante : lorsque vous parlez de la MSIE, le faites-vous avec le parent ou la personne qui s’occupe de lui ?
Tout d’abord, plutôt que d’en parler devant l’enfant... en tant qu’infirmière, j’ai beaucoup discuté de la SUDEP, mais la question est que très souvent que les patients n’abordent pas le sujet avec les membres de leur famille, alors quelle est la meilleure approche à avoir ? Tout d’abord, pour en parler avec le parent d’un enfant ; et comment parler de la SUDEP avec un membre de la famille d’un patient quand celui-ci est réticent à partager la nouvelle avec quelqu’un d’autre ?
[00:42:25]
Lucretia LONG
Bonjour, merci pour cette question. Je suis spécialiste de l’épilepsie chez l’adulte et je n’ai pas beaucoup d’expérience avec les enfants. Mes patients sont âgés de 18 ans et plus, et avec ces patients je vais parler de la mort subite devant eux. Comme vous le savez un jeune de 18 ans a la possibilité de mettre des mesures en place pour la bonne observance de son traitement. Donc leur capacité à apprécier leur rôle dans la réduction du risque de mort subite est vraiment très très importante.
En ce qui concerne l’information aux membres de la famille, si un patient se présente seul à la clinique, je l’informe généralement de l’importance d’éduquer les membres de sa famille, car s’il est victime d’une crise convulsive, il ne peut pas appeler les secours pour les premiers soins en cas de crise. En général, je suis très intentionnelle et directe en terme d’interventions éducatives en encourageant ces patients à éduquer les membres de leur famille parce que les membres de la famille peuvent contribuer à la réduction des risques ; encore une fois, être capable d’évaluer les crises nocturnes est quelque chose qui implique directement les membres de la famille, et l’intervention de premiers secours en cas de crise est aussi directement corrélée aux membres de la famille. Donc j’envourage vivement les patients à informer leurs proches.
Intérêt et limites des dispositifs portables
Sandra DEWAR :
Merci Lucretia. Vous avez parlé assez longuement des dispositifs portables ou autres que les gens peuvent utiliser à la maison. L’une des questions posées dans le tchat est de savoir si l’utilisation d’un oreiller anti-épilepsie ou d’un oreiller anti-suffocation réduit le risque et si c’est quelque chose que nous devrions recommander aux familles, et je pense que Sammy voudra peut-être répondre à cette question.
Sammy ASHBY :
Oui, bien sûr, nous dirons toujours (...) que les dispositifs comme les oreillers et les appareils portatifs peuvent faire partie d’un plan de réduction des risques et qu’ils peuvent donc jouer un rôle valable, mais il n’y a pas de dispositif sur le marché, pas de solution miracle prouvée pour réduire les risques de MSIE ou pour empêcher la MSIE de se produire, donc cela doit vraiment être une pièce d’un puzzle plus large de réduction des risques et le véritable objectif que nous voulons que les gens considèrent et fassent tout ce qu’ils peuvent pour s’attaquer à la question est de savoir comment ils peuvent obtenir un contrôle aussi bon que possible de la MSIE.
Il s’agit donc d’un véritable exercice d’équilibre entre la réduction des risques dans la mesure du possible et la tranquillité d’esprit, et la possibilité de vivre sa vie et d’avoir une bonne qualité de vie.
Sandra DEWAR :
Je pense que l’un des défis à relever est l’idée que si quelqu’un a une grosse crise d’épilepsie la nuit et que son partenaire dort, on peut espérer que ce dernier se réveillera et retournera la personne, et cette simple activité de bouger la personne, changer la position de la personne peut en soi sauver la vie.
H : 45:58
Il s’agit d’une question à deux volets : Tout d’abord, pour les adolescents ou les jeunes qui essaient mener une vie indépendante, c’est une grande inquiétude pour les parents et j’ai souvent entendu parler, dans ma propre pratique, de parents qui dorment avec des adolescents, de jeunes hommes, qui dorment dans la même chambre ou même dans le même lit, jusqu’à passés 20 ans et vous savez, l’une des questions est de savoir comment penser à cela, quel type de conseil donner aux familles qui essaient de permettre un certain niveau d’indépendance à une jeune personne qui peut être considérablement à risque. Premier volet.
Le deuxième volet est que faisons-nous avec un jeune étudiant universitaire ou quelqu’un qui veut vivre seul et pour qui on craint qu’il soit seul et ne fasse des crises d’épilepsie sans témoin, donc...Tout le monde peut répondre à cette question (…) continue Sammy
Sammy ASHBY :
(…) je dirais que, quand il s’agit d’acquérir une sorte d’indépendance, ce sera vraiment cet équilibre encore une fois, n’est-ce pas, si nous avons commencé à parler du Sudep tôt, ils en ont entendu parler jeune si ils sont au courant de ce type de risques, pourquoi il est important de faire ce qu’ils peuvent au fil du temps, de sorte qu’au moment où ils commencent vraiment à acquérir leur indépendance et où leurs parents commencent vraiment à revenir sur ce qu’ils sont capables de faire, en gardant un œil, en quelque sorte, sur leur épilepsie, ils ont eux-mêmes une bonne base, comme le disait Lucretia, ils savent ce qui est important et quelles sont les mesures à prendre pour réduire les risques ; nous espérons qu’ils feront des choix éclairés pour vivre en sécurité avec leur épilepsie lorsqu’ils seront plus indépendants. et avec un peu de chance, comme nous le disions plus tôt, ils se sentiront suffisamment à l’aise parce qu’ils auront confiance en leurs propres capacités à réduire les risques, ils pourront parler à leurs camarades d’université pour essayer d’obtenir de l’aide, que ce soit des premiers secours en cas de crise ou d’un simple rappel de prendre leurs médicaments avant de sortir pour assister à leurs cours dans la journée.
Il est important de commencer très tôt l’éducation à la SUDEP pour que les gens se sentent confiants et que cela fasse partie de la gestion quotidienne de leur situation, que ce ne soit pas une donnée effrayante rajoutée ultérieurement.
Sandra DEWAR :
Y a-t-il d’autres commentaires sur cette question d’essayer de maintenir l’indépendance et de permettre aux gens de vivre avec autant de confiance que possible ?
Lucretia LONG :
Je suis d’accord avec Sammy et j’aime l’idée de responsabiliser l’individu et de s’assurer qu’il y a une composante de collaboration avec les membres de la famille et aussi, comme elle l’a mentionné, avec d’autres étudiants au niveau universitaire. Il est donc vraiment important de souligner à nouveau comment nous pouvons responsabiliser les individus pour minimiser leurs risques et collaborer avec les membres de la famille et les partenaires de soins
Sandra DEWAR :
Excellent, merci Lucretia.
Vous savez, apparemment, la SUDEP peut concerner n’importe quelle forme d’épilepsie, même si la littérature se concentre, la littérature la plus ancienne8 se concentre sur les crises non contrôlées, les patients en phase pré-chirurgicale, mais (il faut) souligner que le risque peut survenir dans des syndromes comme l’épilepsie myoclonique juvénile qui, je pense, était la forme d’épilepsie dont Kayla est décédée, et Edana, je sais que vous n’aviez pas été informés de la possibilité d’une mort subite, ce qui est je pense très courant dans les cas d’épilepsie myoclonique juvénile. Mais une question qui est dans le tchat est posée par une personne qui a été diagnostiquée épileptique à l’âge de 15 ans et à qui personne ne n’a parlé de la SUDEP, elle l’a découvert par hasard.
[00:50:12]
Il y a deux questions, ou plutôt un commentaire sur le fait qu’elle aurait aimé être informée plus tôt, mais la question est : « Comment les cliniciens peuvent-ils regagner la confiance des patients lorsque ces derniers découvrent ce risque avec lequel ils vivent depuis 15 ou 20 ans ?
Avez-vous des suggestions pour regagner la confiance d’une personne qui pourrait être en colère de ne pas avoir été informée ?
Lucretia LONG :
C’est un très bon point et je pense que je fais beaucoup de formation pour nos résidents, nos médecins et d’autres infirmières praticiennes au niveau national et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles je pense qu’il est si important pour nous, en tant que prestataires de soins de santé, de donner l’information. Vous savez, les patients s’adressent à nous pour obtenir un avis d’expert et je viens d’avoir cette conversation, j’ai fait cette présentation avec nos résidents et j’ai donné un exemple similaire. Vous savez, la pire chose pour moi est qu’un patient voit cette information sur Internet et vienne me voir pour me dire : « Pourquoi n’avez-vous pas, en tant qu’expert, en tant que personne à qui je me confie, pourquoi ne m’avez-vous pas donné cette information ? » et donc je pense à 100% que cela crée un problème9 en matière de confiance ; je ne pense pas avoir jamais eu cette conversation avec quelqu’un qui a été informé de la MSIE en dehors de nos entretiens.
Cela fait partie de ce que j’appelle un ensemble intelligent : chaque patient que je vois, je lui parle de la SUDEP. donc heureusement je n’ai pas eu cette expérience mais je pense qu’en terme de rétablissement de la confiance, le professionnel doit être à l’aise et transparent pour expliquer pourquoi il n’a pas parlé de la SUDEP avec le patient et je pense qu’il est souvent important de se permettre de s’excuser. Vous savez dans mon esprit je pense que c’est une approche paternaliste qu’ont les médecins et autres praticiens de santé de déterminer quels patients méritent d’être informés sur la mort subite. Tous les patients le méritent et donc je pense que, si c’était moi, je m’excuserais de ne pas avoir fourni cette information et j’encouragerais ce patient à poser autant de questions qu’il en a pour moi et je lui dirais aussi que j’aimerais essayer d’avancer pour que nous puissions travailler en collaboration. J’explique toujours avec mes étudiants que notre travail en tant que professionnels de la santé n’est pas dictatorial mais consiste plutôt en une collaboration et que vous, patients et proches, vous êtes vraiment des parties prenantes. Donc encore une fois notre travail est de vous donner des informations pour que nous puissions travailler ensemble en tant qu’équipe pour aller de l’avant ensemble et atteindre cet objectif de zéro crise et de minimisation des risques associés. Je pense donc qu’il suffit d’être transparent et s’excuser de ne pas avoir informé. Comme vous venez de l’apprendre, beaucoup de prestataires de soins de santé hésitent à parler de SUDEP parce qu’ils craignent d’induire une peur inutile. Je ne suis pas d’accord avec cela : nous avons de la documentation qui porte sur ce que vous voulez savoir, mais vous savez, je pense que nous devons être un peu plus doux avec ces prestataires de soins de santé parce que je dis toujours que ce n’est pas ce que vous dites mais comment vous le dites et nous devons nous améliorer à aider ces prestataires de soins de santé qui hésitent à donner l’information à trouver les bonnes façons de le faire.
Je suis convaincue que nous pouvons parler de tout aux patients et que ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on dit mais la façon dont on le dit.
Edana PERRY :
Je voudrais juste ajouter quelque chose en tant que parent (...) qui a perdu un enfant et nous n’avons pas été - cela n’a pas été partagé immédiatement, environ une semaine après la disparition de Kayla, j’ai appelé son neurologue adulte et ... à travers mes larmes, je lui ai dit que nous voulions savoir, nous aurions voulu connaître le risque de SUDEP, nous voulions savoir et il a écouté attentivement et il a partagé certaines des informations que Lucretia a mentionné sur l’hésitation et … les médecins se situent principalement sur deux spectres différents : certains se sentent à l’aise avec l’information, d’autres non, et c’est la raison pour laquelle nous faisons ce que nous faisons.
Nous pensons qu’il est très important que l’information soient donnée avant le décès du patient. C’est ce que j’ai à ajouter, si des soignants sont à l’écoute, si vous êtes soignant d’une personne épileptique, même si vous n’êtes pas à l’aise avec le sujet, vous pouvez me remettre une brochure entre les mains avant faire sortir, me permettre au moins de la lire et ensuite je pourrais revenir avec des questions.
Sandra DEWAR : Merci, c’est évidemment très important d’entendre votre point de vue et je suis désolée que nous ne puissions pas entendre le vôtre, mais vous savez, le but aujourd’hui n’était pas vraiment d’approfondir ce que nous savons et ne savons pas sur les mécanismes de la MSIE, mais je suis sûre que cela a dû être très déroutant pour vous d’avoir eu cette expérience, puis de vous entendre dire que nous ne comprenons pas très bien le mécanisme de la MSIE, et je pense que c’est aussi un obstacle, c’est un obstacle documenté ; il y a très peu de systèmes de détection qui peuvent éviter, prévenir, mais certainement (. ...) il peut alerter quelque chose peut alerter et appeler un soignant,c’est une chose utile (...) il y a une question ici sur l’évaluation du risque : est-ce que quelqu’un utilise systématiquement l’évaluation du risque de MSIE avec les patients ? (...je ne sais pas) Edana, vous n’êtes peut-être pas familière avec cela mais Sammy Ashby ()
Sammy ASHBY : Je peux parler du point de vue britannique et aussi grâce à notre collaboration avec Sudep Action Australia.
Nous avons créé une checkliste de procédures de sécurité SUDEP que nous avons montrée plus tôt dans ce diaporama, c’est un moyen très simple de mettre, non pas seulement la mort subite, mais l’ensemble des risques au centre de ces conversations, quels sont les différents facteurs de risque qui, nous le savons, peuvent prédisposer quelqu’un à être plus vulnérable à la SUDEP, quels sont-ils, est-ce que la personne présente ce risque et que peut elle faire pour le diminuer ? Que peut-elle faire à son niveau, individuel, ou conjointement avec son prestataire de soins ?Nous avons distribué cet outil dans tout le Royaume-Uni et plus de 80 professionnels de la santé de tous les secteurs10, des neurologues aux ambulanciers en passant par les spécialistes des troubles de l’apprentissage et les infirmières, utilisent cet outil pour aider à éduquer et à briser les barrières de la conversation et aborder ce qui peut être fait pour essayer de réduire les risques. Il y a aussi quelques centaines de personnes utilisant cet outil en Australie.
Lucretia LONG :
J’adore l’idée que vous tous avez créé cet outil, je ne l’utilise pas dans ma pratique, mais il donne l’occasion d’amorcer le dialogue et je pense que c’est l’essentiel du message à retenir aujourd’hui : que pouvons-nous faire pour aller de l’avant et amorcer le dialogue ? C’est un défi, vous savez, beaucoup de prestataires de soins de santé ont 20 minutes pour parler aux patients et à leurs proches, donc l’un des obstacles, comme Sandra l’a mentionné plus tôt, est le temps qu’ils estiment nécessaire pour parler de la SUDEP, et, encore une fois, je pense que, lorsque vous parlez de l’importance de l’observance du traitement, vous pouvez aborder ce sujet, et, je l’espère, nous parlons tous aux patients de l’importance de l’observance des traitements, alors pourquoi ne pas aborder la SUDEP à ce moment là, donner aux patients des informations écrites, afin qu’ils puissent en prendre connaissance et revenir avec des questions, comme quelqu’un l’a mentionné plus tôt, et ainsi permettre à cette conversation de se poursuivre, même si vous ne donnez que des informations basiques lors de chaque visite, pouvoir répéter ces informations est vraiment très important, et nous l’avons appris des patients et de leurs proches.
Lucretia et Sammy, et vous savez certainement ce que nous avons appris sur la MSIE. Edana, nous vous remercions d’avoir partagé une histoire aussi sensible, et vous savez certainement ce que nous avons appris c’est que les conversations sur les risques ne doivent pas avoir lieu qu’une unique fois, vous savez que le sujet doit être abordé plusieurs fois au cours de l’épilepsie. Mais c’est un sujet difficile et j’aime bien l’approche factuelle de Lucretia car je pense que c’est plus utile pour les gens que d’essayer de masquer le problème et je pense qu’encourager les gens à vivre une vie saine aussi bien qu’ils le peuvent avec les informations qu’ils ont est vraiment la seule façon d’aborder ce sujet. Nous sommes à la fin de l’heure et je pense que nous allons devoir nous arrêter là, mais il y avait beaucoup de questions très intéressantes dans le tchat et je suis désolée que nous n’y ayons pas répondu, nous essaierons de répondre à ces questions restantes si nous le pouvons dans un e-mail ou vous pouvez nous envoyer un e-mail et nous essaierons de vous donner ces réponses. Cela m’amène à la fin de mon intervention pour dire que si quelqu’un souhaite rejoindre la section infirmière de l’ILAE, nous accueillons volontiers les nouveaux membres, nos effectifs ont énormément augmenté au cours des trois dernières années, c’est une organisation formidable dont on peut faire partie, c’est gratuit, et je tiens à remercier le personnel de l’ILAE pour son soutien à l’offre d’aujourd’hui et à remercier à nouveau nos formidables orateurs. Je vous souhaite une bonne nuit, où que vous soyez dans le monde
Je vous remercie de votre attention.
Traduit avec l’aide de Deeple – relu, corrigé, adapté par un parent endeuillé
Notes de traduction
care partners : proches de patients ( ou famille), aidants
Healthcare providers : fournisseurs, ou prestataires, de soins
Divulgation of sudep : information sur la mort subite
Disclosure of sudep : information sur la mort subite
transition : décès